Personnes
Christian BOLTANSKI
du 13.01.2010 au 21.02.2010
Installation IN SITU au Grand Palais, Paris, Exposition Monumenta 2010, 13 500 m2
Christian BOLTANSKI
du 13.01.2010 au 21.02.2010
Installation IN SITU au Grand Palais, Paris, Exposition Monumenta 2010, 13 500 m2
Problématique : comment une œuvre d'art peut-elle témoigner d'un fait historique et activer notre mémoire ?
"Ma vie et mon œuvre ont été très marquées par la Shoah, et je crois que tous les survivants de la Shoah n'ont cessé de se poser la question : pourquoi j'ai survécu ?" Christian BOLTANSKI
"Ma vie et mon œuvre ont été très marquées par la Shoah, et je crois que tous les survivants de la Shoah n'ont cessé de se poser la question : pourquoi j'ai survécu ?" Christian BOLTANSKI
Un lieu particulier : La Grand Palais à Paris
Le Grand Palais est un monument parisien construit en bordure des Champs Élysées à partir de 1897 dans le but d'accueillir l'Exposition Universelle de 1900. Le bâtiment est le fruit de la collaboration de 4 architectes français.
Sa surface totale est de 77 000 m2 (l'équivalent de 11 terrains de football !) et sa Grande Nef offre à elle seule 13 500 m2 de surface d'exposition. Elle est surplombée d'une gigantesque coupole de verre et d'acier (la plus grande d'Europe) haute de 45 m !
Concevoir une œuvre pour un tel lieu oblige l'artiste à s'adapter et à intégrer toutes les spécificités d'un tel bâtiment, ce qu'a fait Christian BOLTANSKI en 2010.
Sa surface totale est de 77 000 m2 (l'équivalent de 11 terrains de football !) et sa Grande Nef offre à elle seule 13 500 m2 de surface d'exposition. Elle est surplombée d'une gigantesque coupole de verre et d'acier (la plus grande d'Europe) haute de 45 m !
Concevoir une œuvre pour un tel lieu oblige l'artiste à s'adapter et à intégrer toutes les spécificités d'un tel bâtiment, ce qu'a fait Christian BOLTANSKI en 2010.
Personnes :
Pour voir le making of de l'oeuvre, cliquez ici
COMPOSITION :
Cette gigantesque œuvre d'art est constituée de trois parties complémentaires :
- Un mur de boîtes de biscuits en fer rouillé
- Des rectangles de vêtements posés au sol, face contre terre (69 au total, de 5x7m chacun)
- Une gigantesque pile de plusieurs tonnes de vêtements entassés (15m de haut) + un grappin mécanique qui vient prélever des vêtements avant de les lever et de les relâcher sur le sommet de la pile.
Pour compléter son œuvre, l'artiste ajoute trois éléments supplémentaires :
- Du son : chaque rectangle de vêtements est équipé de poteaux et de haut-parleurs qui diffusent les battements de cœur d'une personne différente. A ce bruit s'ajoutent les grincements de la pince mécanique.
- De la lumière : au dessus des rectangles de vêtements sont suspendus des néons qui éclairent et signalent chaque rectangle pour mieux le délimiter dans l'espace du Grand Palais.
- La température : L'artiste a demandé que l'exposition soit déplacée en hivers et a refusé les chauffages : le froid qui règne dans le bâtiment ajoute encore à la sensation de malaise du spectateur et fait partie intégrante de l’œuvre.
Cette gigantesque œuvre d'art est constituée de trois parties complémentaires :
- Un mur de boîtes de biscuits en fer rouillé
- Des rectangles de vêtements posés au sol, face contre terre (69 au total, de 5x7m chacun)
- Une gigantesque pile de plusieurs tonnes de vêtements entassés (15m de haut) + un grappin mécanique qui vient prélever des vêtements avant de les lever et de les relâcher sur le sommet de la pile.
Pour compléter son œuvre, l'artiste ajoute trois éléments supplémentaires :
- Du son : chaque rectangle de vêtements est équipé de poteaux et de haut-parleurs qui diffusent les battements de cœur d'une personne différente. A ce bruit s'ajoutent les grincements de la pince mécanique.
- De la lumière : au dessus des rectangles de vêtements sont suspendus des néons qui éclairent et signalent chaque rectangle pour mieux le délimiter dans l'espace du Grand Palais.
- La température : L'artiste a demandé que l'exposition soit déplacée en hivers et a refusé les chauffages : le froid qui règne dans le bâtiment ajoute encore à la sensation de malaise du spectateur et fait partie intégrante de l’œuvre.
« Ce qui m’intéresse principalement aujourd’hui c’est que le spectateur ne soit plus placé devant une œuvre, mais qu’il pénètre à l’intérieur de l’œuvre. Contrairement à une exposition classique dans un musée, où l’art défile sous notre regard, le Grand Palais est un lieu propice à une expérience qui immerge le spectateur, puisque tout l’espace fait partie de l’œuvre. Le son, le climat, la manière de déambuler, y compris la gêne suscitée à certains endroits de passage, les matériaux utilisés, tous ces éléments sont constitutifs d’un projet artistique qui est une œuvre globale. » Christian BOLTANSKI
LES THÉMATIQUES PRÉSENTES DANS CETTE ŒUVRE :
La mémoire :
Le titre de l’œuvre, Personnes, renvoie immédiatement à une présence humaine. L'artiste a fait le choix de mettre son titre au pluriel, signifiant ainsi que son œuvre donne à voir DES personnes : c'est ce que l'on comprend grâce aux battements de cœur diffusés dans l’œuvre mais aussi aux vêtements. Le choix de cet objet n'est pas anodin : le vêtement est un objet très personnel. Choisi avec soin, il permet à chacun d'exprimer son identité, ses goûts, sa personnalité. Ceux utilisés dans l’œuvre sont usagés, ce ne sont pas des objets neufs et anonymes. Étalé au sol ou empilé, chaque vêtement représente une personne, est un souvenir. Étant donné la quantité de vêtements utilisés on a donc bien affaire à une multitude de personnes dans cette œuvre...
La boîte à biscuits est un objet que l'artiste associe à l'enfance. C'est pour lui la boîte au trésor dans laquelle un enfant vient ranger ses objets les plus précieux pour les dissimuler ou les conserver. Ces boîtes sont donc des objets chargés de souvenirs et d'émotions. Le temps passé est représenté par l’usure et la rouille qui recouvre les boîtes.
L'absence :
Là encore le choix des vêtements est important : en effet, s'ils ont été portés par quelqu'un un jour et sont les vestiges d'un être humain, ces vêtements sont ici présentés "vides", c'est à dire qu'ils représentent un être qui n'est plus là, qui est absent. C'est ainsi que cette œuvre prend une dimension morbide et qu'elle provoque un sentiment de malaise chez le spectateur qui peut percevoir cette absence comme celle liée à la mort, d'autant plus que les vêtements placés au sol sont étalés face contre terre, comme si les gens étaient tombés.
Le titre est orthographié au pluriel mais s'il est dit le "s" final n'est pas perceptible. On peut alors l'entendre comme "il n'y a personne"!
Le hasard :
L'élément qui symbolise le hasard dans cette œuvre est la pince mécanique : cet engin qui rappelle les chantiers mais aussi les pinces des machines de fête foraine représente pour l'artiste "le doigt de Dieu". Il vient prélever au hasard quelques vêtements qu'il arrache aux autres. Si l'on repense à la signification des vêtements qui représentent des personnes, cette grue est la mort qui vient arracher des vies au hasard.
La mort :
En plus de la grue et des vêtements, d'autres éléments symbolisent la mort dans cette œuvre :
- les battements de cœur : ils peuvent renvoyer à la présence d'êtres humains mais aussi à leur absence car ce ne sont que des sons enregistrés, un souvenir.
- les boîtes à biscuits rouillées : leur état fait référence au passé, ce sont des objets anciens. Disposées de manière à former un mur, elles rappellent les columbariums des cimetières où sont déposées les urnes funéraires. Ce long alignement qu'on est obligé de contourner nous invite à nous recueillir.
- les numéros : gravés sur des plaques et placés sur chaque boîte, ils évoquent les matricules que les SS attribuaient aux déportés à leur arrivée dans les camps. Cousus sur la poitrine du fameux costume rayé ou tatoués sur le bras gauche au camp d'Auschwitz, ces numéros retirent toute humanité aux déportés et leur rappelle qu'ils peuvent mourir à tout instant.
- le froid : il est l'un des éléments qui contribuent au malaise des spectateurs. Il rappelle bien entendu les conditions de vie des déportés mais aussi le froid ultime, la mort.
- le son : la régularité des battement de cœur rappelle un autre bruit, celui des wagons d'un train qui roule. Cela fait référence aux trains qui acheminaient les déportés vers les camps.
- la disposition des vêtements : posés au sol, ils matérialisent des rectangles alignés de 7m par 5m. Cela peut faire penser aux sections d'un cimetière (qu'on appelle d'ailleurs des carrés) mais aussi à l'alignement des baraquements des camps de concentration.
La mémoire :
Le titre de l’œuvre, Personnes, renvoie immédiatement à une présence humaine. L'artiste a fait le choix de mettre son titre au pluriel, signifiant ainsi que son œuvre donne à voir DES personnes : c'est ce que l'on comprend grâce aux battements de cœur diffusés dans l’œuvre mais aussi aux vêtements. Le choix de cet objet n'est pas anodin : le vêtement est un objet très personnel. Choisi avec soin, il permet à chacun d'exprimer son identité, ses goûts, sa personnalité. Ceux utilisés dans l’œuvre sont usagés, ce ne sont pas des objets neufs et anonymes. Étalé au sol ou empilé, chaque vêtement représente une personne, est un souvenir. Étant donné la quantité de vêtements utilisés on a donc bien affaire à une multitude de personnes dans cette œuvre...
La boîte à biscuits est un objet que l'artiste associe à l'enfance. C'est pour lui la boîte au trésor dans laquelle un enfant vient ranger ses objets les plus précieux pour les dissimuler ou les conserver. Ces boîtes sont donc des objets chargés de souvenirs et d'émotions. Le temps passé est représenté par l’usure et la rouille qui recouvre les boîtes.
L'absence :
Là encore le choix des vêtements est important : en effet, s'ils ont été portés par quelqu'un un jour et sont les vestiges d'un être humain, ces vêtements sont ici présentés "vides", c'est à dire qu'ils représentent un être qui n'est plus là, qui est absent. C'est ainsi que cette œuvre prend une dimension morbide et qu'elle provoque un sentiment de malaise chez le spectateur qui peut percevoir cette absence comme celle liée à la mort, d'autant plus que les vêtements placés au sol sont étalés face contre terre, comme si les gens étaient tombés.
Le titre est orthographié au pluriel mais s'il est dit le "s" final n'est pas perceptible. On peut alors l'entendre comme "il n'y a personne"!
Le hasard :
L'élément qui symbolise le hasard dans cette œuvre est la pince mécanique : cet engin qui rappelle les chantiers mais aussi les pinces des machines de fête foraine représente pour l'artiste "le doigt de Dieu". Il vient prélever au hasard quelques vêtements qu'il arrache aux autres. Si l'on repense à la signification des vêtements qui représentent des personnes, cette grue est la mort qui vient arracher des vies au hasard.
La mort :
En plus de la grue et des vêtements, d'autres éléments symbolisent la mort dans cette œuvre :
- les battements de cœur : ils peuvent renvoyer à la présence d'êtres humains mais aussi à leur absence car ce ne sont que des sons enregistrés, un souvenir.
- les boîtes à biscuits rouillées : leur état fait référence au passé, ce sont des objets anciens. Disposées de manière à former un mur, elles rappellent les columbariums des cimetières où sont déposées les urnes funéraires. Ce long alignement qu'on est obligé de contourner nous invite à nous recueillir.
- les numéros : gravés sur des plaques et placés sur chaque boîte, ils évoquent les matricules que les SS attribuaient aux déportés à leur arrivée dans les camps. Cousus sur la poitrine du fameux costume rayé ou tatoués sur le bras gauche au camp d'Auschwitz, ces numéros retirent toute humanité aux déportés et leur rappelle qu'ils peuvent mourir à tout instant.
- le froid : il est l'un des éléments qui contribuent au malaise des spectateurs. Il rappelle bien entendu les conditions de vie des déportés mais aussi le froid ultime, la mort.
- le son : la régularité des battement de cœur rappelle un autre bruit, celui des wagons d'un train qui roule. Cela fait référence aux trains qui acheminaient les déportés vers les camps.
- la disposition des vêtements : posés au sol, ils matérialisent des rectangles alignés de 7m par 5m. Cela peut faire penser aux sections d'un cimetière (qu'on appelle d'ailleurs des carrés) mais aussi à l'alignement des baraquements des camps de concentration.
POUR CONCLURE :
La place du spectateur.
La volonté de Christian BOLTANSKI est de provoquer des émotions. L'artiste a voulu que le spectateur ne soit pas DEVANT l’œuvre mais immergé A L’INTÉRIEUR, qu'il vive une expérience à la fois émotionnelle, visuelle et sonore, dans le temps et l'espace.
Cette œuvre est constituée d'objets sans liens apparents, pourtant en organisant ces éléments de nature différente Christian BOLTANSKI parvient à provoquer d'intenses émotions. Chaque partie de cette œuvre a une signification et la composition de tous ces éléments produit un sens particulier et permet l'activation de notre mémoire.
Un choix artistique : suggérer sans montrer.
En réalisant cette œuvre, l'artiste fait appel à notre mémoire collective. Il fait référence à la seconde guerre mondiale et plus précisément à la déportation et l'extermination des juifs dans les camps de concentration mais sans jamais les montrer vraiment. Le choix de certains éléments (les numéros sur les boîtes par exemple) et leur organisation (l'alignement des carrés de vêtements) sont des références directes mais il faut que le spectateur face les liens tout seul pour lire la totalité de cette œuvre. L'objectif n'est pas de choquer avec des images réelles de violence mais de laisser notre esprit cheminer et nos sentiments émerger progressivement, remonter à la surface dans cette atmosphère froide et oppressante.
La place du spectateur.
La volonté de Christian BOLTANSKI est de provoquer des émotions. L'artiste a voulu que le spectateur ne soit pas DEVANT l’œuvre mais immergé A L’INTÉRIEUR, qu'il vive une expérience à la fois émotionnelle, visuelle et sonore, dans le temps et l'espace.
Cette œuvre est constituée d'objets sans liens apparents, pourtant en organisant ces éléments de nature différente Christian BOLTANSKI parvient à provoquer d'intenses émotions. Chaque partie de cette œuvre a une signification et la composition de tous ces éléments produit un sens particulier et permet l'activation de notre mémoire.
Un choix artistique : suggérer sans montrer.
En réalisant cette œuvre, l'artiste fait appel à notre mémoire collective. Il fait référence à la seconde guerre mondiale et plus précisément à la déportation et l'extermination des juifs dans les camps de concentration mais sans jamais les montrer vraiment. Le choix de certains éléments (les numéros sur les boîtes par exemple) et leur organisation (l'alignement des carrés de vêtements) sont des références directes mais il faut que le spectateur face les liens tout seul pour lire la totalité de cette œuvre. L'objectif n'est pas de choquer avec des images réelles de violence mais de laisser notre esprit cheminer et nos sentiments émerger progressivement, remonter à la surface dans cette atmosphère froide et oppressante.
Pour aller plus loin :
Écouter Christian BOLTANSKI parler de Personnes :
Écouter Christian BOLTANSKI parler de Personnes :
Comparer Personnes avec La Maison manquante, 1990
Aller voir d'autres œuvres de Christian BOLTANSKI : sur le site du Centre Pompidou, aller consulter Les archives de C.B. 1965-1988, 1989 et Réserve, 1990.
Comparez le travail de Christian BOLTANSKI avec celui de témoins directs de la déportation et de l'extermination des juifs : David OLERE ou Félix NUSSBAUM.